La République des faibles by Bulteau Gwenaël

La République des faibles by Bulteau Gwenaël

Auteur:Bulteau, Gwenaël [Bulteau, Gwenaël]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Manufacture de livres
Publié: 2021-02-04T19:27:37+00:00


Marie Claes était dans tous ses états. La peau laiteuse de son visage, un épiderme de modeste facture, s’empourprait sous l’émotion. Un flic délicat lui tendit la main pour l’aider à monter dans la salle d’interrogatoire ; sans doute le bonhomme avait-il une faiblesse pour les âmes simples.

– En quoi consiste votre travail ? demanda Soubielle.

– Vous me connaissez, répondit-elle désarmée. En tant que bonne à tout faire, je m’occupe de l’entretien de la maison, des repas et aussi des enfants, ce qui n’est pas une mince affaire, surtout Petit Paul, un vrai diable. Et lorsque le lait de madame se tarit, je nourris Jacquot. Cela entre dans mes attributions. D’ailleurs, j’ai rencontré monsieur Génor alors que j’attendais mon tour devant le bureau de placement des nourrices. Il passait par là. Dès qu’il m’a vue, il m’a proposé l’embauche.

Le regard de Soubielle tomba sur la poitrine opulente de la bonne, deux obus, une véritable artillerie. Il ne fallait pas chercher bien loin pour trouver la motivation du pharmacien.

– Que savez-vous des activités de monsieur Génor ?

– Il est très occupé avec son officine. Ses affaires lui emplissent la tête, comme il dit. Mais elles ne tournent pas aussi bien qu’il le souhaiterait.

– Qu’est-ce qui vous amène à dire ça ?

– Ils se disputent en croyant que je ne les entends pas. Une bonne fait vite partie des meubles. Monsieur tance sa femme, parfois vertement. Pris de boisson, il se permet des gestes déplacés, il lui tire les cheveux, par exemple, ou lui donne des gifles. Leurs querelles portent le plus souvent sur leurs soucis d’argent mais aussi sur l’éducation des enfants, monsieur reprochant à sa femme de leur donner un mauvais pli en cédant sur tout. Cela occasionne également des conflits avec leur fils aîné.

– Avez-vous entendu parler d’accouchements clan­­destins ou d’avortements ?

– Je n’imagine pas monsieur commettre un tel crime ! s’écria-t-elle, tombant des nues. À ses yeux, les enfants sont le bien le plus précieux de l’humanité.

Elle semblait profondément choquée, la petite bonne, l’honnête travailleuse. Elle secouait la tête, une main sur la bouche. Était-elle de ces braves gens, issus des basses couches, à la morale angélique ?

– Descendez-vous souvent à la cave ?

– Parfois, pour prendre du charbon. Mais je n’aime pas cet endroit où règne une odeur déplaisante. À chaque fois, j’en ai froid dans le dos. Qu’avez-vous trouvé dans la cave ?

Elle n’avait pas pu se retenir plus longtemps. La curiosité la dévorait.

– La preuve d’un crime, répondit Soubielle. Nous essayons d’établir les responsabilités de chacun. Que pensez-vous réellement de monsieur Génor ?

– Monsieur est peu causant, dit-elle en avalant péni­blement sa salive. Le soir, il s’assoit dans son fauteuil, sans rien dire, en se frottant les tempes pendant un long moment. L’ambiance est parfois bien fraîche parce qu’il garde toujours un reproche en réserve pour l’un ou l’autre de ses enfants. C’est sa manière de les éduquer. Et puis, en tant que pharmacien, il est à cheval sur certaines règles d’hygiène. Chaque soir, il



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